Profession ? Désherbeur

Publié le 14/03/2017 par
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Entretien avec Alexandre Jameau, Conservateur au SCD de l'université de Nantes.

Le désherbage en bibliothèque consiste à éliminer et renouveler des collections. À la BU de l'université de Nantes, quelle est l'envergure du travail à accomplir dans ce domaine ?

Le désherbage s’inscrit dans le cadre d’évolutions plus générales dont deux principales. La première, c’est le passage, depuis une quarantaine d’année, de la politique du libre-accès maximum à la politique de la collection restreinte, mais très «pertinente», très empruntée ou consultée sur place. Dans la plupart des disciplines, il est plus judicieux d’offrir des collections plus modestes dans les salles, mais qui correspondent aux demandes véritables des usagers. 

La deuxième évolution se rapporte à l’accès massif à des ressources sur internet et aux services d’accès à l’information que propose le numérique. Une majorité de chercheurs et d’étudiants se tournent dorénavant vers les périodiques en version numérique. Le désherbage des périodiques imprimés peut être plus systématique, grâce aux « licences nationales » (achat pérenne des archives de périodiques numériques) et aux plans de conservation partagés des périodiques (PCPP), au niveau régional, qu’il s’agisse de celui de l’association Mobilis, ou bientôt de celui de la COMUE Universités Bretagne Loire. 

Depuis l’automne 2015, les collections d’ouvrages des salles de la BU Droit Economie Gestion qui s’élevaient à 64 000 volumes ont été ramenés à 48 000. Le chantier de désherbage débute tout juste à la BU Sciences Technologies STAPS du campus Lombarderie : sur 55 000 volumes dans les salles, les statistiques d’usage des ouvrages nous permettent de penser que l’on peut retirer 50% des collections. A la BU Santé, le désherbage est une pratique régulière, parce que demandée par les étudiants qui ont besoin des ouvrages médicaux et de préparation aux concours les plus récents. 

Cette mission est-elle complexe en termes organisationnels ? Quelles méthodes de travail demande-t-elle ?

A mes yeux, il y a deux manières de désherber, qui, d’ailleurs, ne sont pas incompatibles. On peut désherber en faisant une liste d’ouvrages qui ne sont pas empruntés depuis un ou deux ans. On peut aussi reprendre systématiquement l’ensemble des ouvrages et procéder à des vérifications plus fines. Par exemple, un ouvrage ancien sur les microalgues qui continue à être emprunté peut l’être parce qu’il n’y a pas d’ouvrages acquis récemment sur le même sujet. Il faut savoir utiliser des données statistiques d’usage, mais aussi savoir prendre une décision sur le sort d’un ouvrage au cas par cas et procéder à des acquisitions le cas échéant.

Dans le plan de désherbage, il faut à la fois établir des critères statistiques d’usage (prêt) et une politique de désherbage (par exemple, on peut sortir des collections les « petits » manuels anciens de niveau licence, ne conserver qu’une édition tout les 5 ans d’un manuel de droit mis à jour chaque année).

Existe-t-il un idéal à atteindre en matière de désherbage ?

L’idéal serait que tous les livres disponibles dans les salles de lecture fassent l’objet d’une consultation sur place ou de plusieurs prêts dans les douze derniers mois, et que les documents mis en magasin fassent également l’objet de consultation un jour.

Par ailleurs, le désherbage est intégré dans une politique d’acquisition plus globale et cohérente qui prend en compte toutes les disciplines étudiées à l’Université, dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, qui est capable d’offrir de la documentation sur différents supports de manière nuancée : tantôt uniquement des livres papier, tantôt le livre papier et sa version numérique, tantôt le numérique seul. 

Je ne crois pas à la disparition du papier : les deux versions vont cohabiter encore durablement. La télévision n’a pas détrôné le cinéma. Tantôt, l’usager voudra un livre papier, tantôt il ne voudra plus que le livre numérique. Le désherbage a encore de l’avenir !

 

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