Émilienne-Leroux ou le choix de la cité

Publié le 13/12/2019 par Patrice Lumeau

Depuis septembre 2019, la bibliothèque associative Émilienne-Leroux à réouvert ses portes. Pour l’événement elle a fait feu de tout bois. Sa présidente et son équipe ne manquent pas d’humour quand ils parlent de « feu » la bibliohèque. 

Le besoin de conjurer le sort : juillet 2018, un contrôle policier tourne au drame. Un jeune homme est tué. Les quartiers populaires de Nantes s’embrasent. Aux Dervallières, la bibliothèque n’est pas épargnée et, comme celle de Malakoff, elle brûle. Les 8 000 documents partis en fumée, il faut reconstruire. Renaître.

Venir malgré le sentiment d’insécurité

En 1992, de la volonté de trois associations de quartier, naît l’association LIRE (Lecture Information Rencontre Écriture), qui fonde la bibliothèque Émilienne-Leroux. Adhérente de la première heure, devenue aujourd’hui présidente, Catherine Pa-riset affirme son attachement à l’éducation populaire. La bibliothèque est la partie visible de cette dynamique qui vise à rendre le livre accessible à tous. La plupart des actions se font à l’extérieur. Lectures, animations, rencontres se déroulent dans les écoles, en crèche, à la maison de quartier… « L’ancrage local est très fort dans ce quartier populaire et attachant », précise la présidente. Le choix de l’emplacement, sur la place centrale des Dervallières, a été fait pour être dans le pas des habitants. Et ils marchent ! Au point où la bibliothèque peut prendre le pouls du quartier. Quand le supermarché ferme, le public se raréfie. Si les usagers ne changent guère, les usages si. Catherine Pariset remarque que, depuis ces deux ou trois dernières années, « rares sont les enfants à venir seuls. Ils sont accompagnés de plus grands. Un sentiment d’insécurité qui n’existait pas avant s’est installé. »

Reconstruire au plus près des besoins

La bibliothèque mène l’enquête pour reconstruire. Elle se livre à un questionnaire auprès de ses habitués. Il en ressort une demande claire d’un lieu de travail avec Wi-Fi, l’envie de plus de rencontres, débats, spectacles, aussi d’une ludothèque. En atten-dant de retrouver ses locaux, la bibliothèque ne chôme pas. Une vague de solidarité a emporté le sentiment de désolation lié à l’in-cendie. Plus de 4 500 dons pour 2 200 documents exploitables. La présidente exprime beaucoup de gratitude envers les multiples donateurs, sans oublier la bibliothèque municipale et la ville de Nantes, partenaires précieux depuis les débuts. Catherine Pariset cite les paroles d’Alain Mabanckou (invité en février dernier à la maison de quartier) : « L’horizon n’est pas incendié. » Tout n’est pas perdu.

La reconstruction s'est faite avec les associations du quartier qui sont, précise-t-elle, « mobilisées avec leurs compétences, pour être mises en valeur ». Pour l'ouverture, un grand salon du livre sur trois jours, en partenariat avec le collectif des éditeurs de la région, le Coll. LIBRIS, s'est déroulé en octobre 2019. Et une journée consacrée aux métiers du livre, en direction des jeunes, a su capter ceux qui écrivent (poésie, slam, rap). Au programme, des invités illustres tels que, parmi d’autres, Yannick Jaulin et Catharina Valckx.

Faire vivre la bibliothèque repose sur l’engagement de ses salariés et bénévoles, mais aussi sur l’énergie du quartier. Aux Dervallières, la solidarité se déploie à tous les niveaux : les habitants, les associations et les institutions. Misons que cette énergie, née de la reconstruction, perdure et forge un nouvel élan pour Émilienne-Leroux.

Cet article est lié à