Résidence imaginaire, par Christos Chryssopoulos

Publié le 05/09/2016 par Christos Chryssopoulos

Christos Chryssopoulos, qui a été en résidence itinérante sur le territoire ligérien au printemps 2016, livre son bilan de ce séjour en pays de Loire...

C'est la première fois de ma vie que j'étais invité à une "Résidence itinérante" et je n'avais aucune idée précise de ce à quoi je pouvais m'attendre, hormis une série de visites organisées au début de mon séjour dans la région auxquelles je m'étais engagé. Donc je n'avais pas d'attente précise, mais j'étais curieux de voir à quoi cela allait ressembler. La Loire, je connaissais déjà, mais pas comme écrivain itinérant. Et il m'est très vite apparu que le vrai cadre de cette manifestation, ce n'était pas tant les événements, les lieux où les rencontres se faisaient, les débats ou les expositions, mais les personnes qui avaient préparé l'itinéraire. C'est de fait ce que j'ai ressenti quand je voyageais. Je ne me déplaçais pas d'un endroit à un autre : j’allais rendre visite à une personne, puis à une autre. Et au bout du voyage l’ensemble constituait comme une seule et unique personne… Angers, Le Mans, Laval, Nantes, Saint-Florent-le-Vieil, Liré, Ancenis… mon esprit a combiné tous ces lieux en un endroit imaginaire composé d'éléments appartenant à chacun. Même chose pour les gens qui avaient conçu le séjour. Chaque personne que je rencontrais conservait sa propre individualité, et en même temps chacune empruntait quelque chose à tous les autres. En un sens, elles devenaient toutes partie intégrante du voyage. Si l'on y réfléchit bien, c'est le lot de tout voyage de se transformer ainsi dans l'esprit du voyageur. Les objets s'empilent, se retrouvent rassemblés en un même endroit, finissent par s'enchevêtrer et se mêler les uns aux autres et au bout d'un moment le voyage n'est plus qu'un écheveau d'histoires, d'images, d'impressions et de souvenirs faux et réels, vrais et imaginés. Alors le voyageur dénoue cet écheveau, détache chaque élément de l'ensemble, recompose le temps et les choses et crée le souvenir d'un autre séjour, une autre histoire, qui est l'histoire du voyage. L'histoire véritable, ce n'est pas l'histoire vécue, c'est l'histoire imaginée. La Loire est déjà devenue pour moi un lieu de l'imagination.

(traduit de l’anglais par Anne-Laure Brisac)

Cet article est lié à