Journal pauvre, de Frédérique Germanaud

Publié le 30/11/2018 par Christine Tharel
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Dans son Journal pauvre, Frédérique Germanaud déclare : “L'écriture, une chance de devenir complète. L'écriture comme exercice de vie”. Voici un livre riche d'une vie nouvelle qui se réinvente en toute liberté. Lecture de Christine Tharel. 

Frédérique Germanaud vit à Angers et est auteure d'une dizaine de livres petit format, prose, roman, poésie, livres d'artiste. Avec ce Journal pauvre publié à La Clé à Molette à la rentrée 2018, elle initie une forme d'écriture plus directement autobiographique. Frédérique Germanaud a pris un congé sabbatique pour se consacrer exclusivement à l'écriture et décide de tenir le journal de cette année particulière. De juillet 2015 à juin 2016, elle va consigner son quotidien dans un carnet Muji noir à spirale.

Elle note d'abord le bouleversement que représente l'abandon de son travail : perte des horaires, d'un salaire, des collègues. Puis les nouvelles sensations, “jubilation d'avoir cassé une mécanique usante”, langueur, absence de précipitation, temps flottant, “quelque chose entre attente et sérénité”.

Laisser un emploi alimentaire, c'est aussi se retrouver sans ressource et faire l'apprentissage d'une nouvelle situation économique. L'auteure expérimente le dénuement et dit “la nécessité de joindre les deux bouts, d'être à l'affût de ce qui s'offre, se grappille, nourrit et permet de tenir jusqu'au lendemain”. Elle refuse “une pauvreté du manque, de la résignation et de l'ennui”. Pour elle il s'agit de trouver des ressources en elle et au dehors, de résister, à l'instar du lichen “peu gourmand et peu mobile, un modèle de résistance nécessitant peu de moyens” ou encore “d'être inventive, libre, débrouillarde”!

Ses journées sont rythmées par le travail à faire : peindre, écrire des notes de lecture, tenir son journal, relire un manuscrit, lire (Françoise Ascal, Clément Rosset, Rick Bass, Antoine Emaz), mais aussi mettre la machine à laver en route, suivre un cours de peinture, arpenter la ville, ranger la table de travail, trier les chaussettes trouées, glaner des prunes ou des mûres, postuler à une résidence d'écriture, nager, préparer un repas pour des amis, aller à la bibliothèque municipale.

L'auteure nous fait également part avec sincérité de ses doutes, de sa solitude, de ses interrogations et inquiétudes, notamment celle de devoir reprendre sa vie professionnelle.

C'est un livre qui se lit d'une seule traite, un livre qui fait du bien aussi car il est riche de l'attention portée à “des actes simples et sans autre visée que le bien faire”, riche d'une vie nouvelle qui se réinvente en toute liberté et nous est donnée en partage avec beaucoup de pudeur, de sensibilité et de générosité. “Il y aurait tant de choses à écrire, nous dit-elle, à retenir dans les pages d'un cahier. Tant de choses qui s'échappent. En cela aussi, le journal peut être dit pauvre. Il n'attrape qu'une infime partie de la richesse du monde.”

Journal pauvre, de Frédérique Germanaud, Éditions La Clé à Molette, 160 p., 13,50 €, ISBN: 979-10-91189-18-7.

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