Baptiste Chouët, dessinateur de presse nantais

Publié le 06/06/2016 par Louise-Anne Petit
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Formé à l’Institut supérieur des Arts appliqués de Nantes, Baptiste Chouët réalise des dessins de presse publiés par différents journaux comme Ouest France. À trente ans, ce Nantais co-dirige Babel Arts, une agence de création graphique créée en 2007. S’il exerce sa créativité au quotidien dans son métier de graphiste, c’est dans le dessin de presse que Baptiste Chouët trouve son meilleur terrain d’expression.

Vous êtes graphiste de formation, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’aventure du dessin de presse ? Avez-vous toujours dessiné ?

Je dessine depuis que je suis en âge de tenir un crayon. Ma première passion fut la bande dessinée, que j’ai découverte à travers les collections classiques de mon père. À l’âge de 10 ans, je passais des heures à dessiner des histoires, à étudier la manière dont Franquin dessinait les oreilles, les nez, les yeux, etc. 

En fait la question pourrait être inversée : j’ai toujours dessiné, pourquoi suis-je devenu graphiste ? Parce que c’est le métier qui me semblait le plus en lien avec le dessin. Dans tous les métiers de l’image, la création passe forcément par le dessin. Donc je n’ai jamais lâché le dessin.

Comment travaillez-vous ? Quels sont vos outils de prédilection ? 

Mon activité principale m’empêche de dessiner quotidiennement, mais me permet tout de même d’entretenir ma créativité sur le plan graphique. J’essaie de dessiner le plus souvent possible, quand l’actualité s’y prête, ou sur des projets de bande-dessinée. Au départ je dessinais beaucoup à la tablette graphique, mais je trouve que l’on perd la spontanéité du trait. Je suis ainsi revenu au crayon et au feutre pour réaliser la grande majorité de mes dessins. J’ai notamment découvert les feutres à pointe souple, reproduisant l’effet d’un pinceau : c’est génial.

Quelles sont vos sources d’inspiration  ?

Évidemment l’actualité est la source d’inspiration principale pour le dessin de presse. Avec les nouveaux outils de communication, la course permanente à l’information et la surenchère médiatique qui va avec, nous sommes abreuvés en permanence de scandales et polémiques en tout genre. Il faut faire le tri, mais cela donne une formidable matière à dessiner.

La vie de tous les jours fournit la meilleure inspiration. Nous assistons à longueur de journées à des situations drôles qui seraient parfaites en petites « scénettes » façon BD.

Quelle est la personnalité contemporaine que vous aimez le plus dessiner ?

Je prends avant tout plaisir à dessiner les personnages que j’aime bien. Le dessin d’actualité mène souvent à caricaturer les personnalités politiques, mais le manque de charisme de la plupart de nos dirigeants ne me les rend pas très attachants.

À la limite j’ai un petit faible pour les personnages outranciers (type Poutine, Berlusconi ou Trump) qui sont tellement exubérants et ridicules que paradoxalement, ça les rend presque sympathiques. D'ailleurs, si les populistes ont autant de succès, c'est justement parce qu'ils savent se rendre accessibles. Leur outrance ne laisse personne indifférent, surtout pas leurs détracteurs. 

Mais en les caricaturant, ne leur rend-on pas service ? 

Je reconnais que cela peut poser un cas de conscience aujourd'hui, surtout à l'heure des nouveaux médias. On s'intéresse de moins en moins au contenu ! Peu importe que Poutine se mouche dans les droits de l'homme trois fois par jour, il passe pour un dur, et les détournements de son image sont très drôles. Alors peut-on participer à cette "Poutine-mania" ? Je crois qu'il ne faut pas tout confondre : on reste ici dans le domaine de l'humour et de la légèreté.

Vous dessinez également des personnages historiques...

Oui. Marianne est certainement le personnage que j’aime le plus dessiner, dans ce qu’elle m’évoque de la France et de ses valeurs. Elle personnifie leur fragilité : on n’a pas envie de lui faire de mal, on a envie de la défendre.

On est parfois gêné d'invoquer les grands personnages historiques, car le nationalisme fait main basse sur leurs représentations. Se ré-approprier nos mythes fondateurs avec un regard « second degré » me semble donc primordial. Dessiner Jeanne d’Arc ou Charles Martel de façon décalée, pour les sortir de la mythologie hyper-lourde dans laquelle ils sont souvent placés, c’est assez rafraîchissant. 

Votre manière de dessiner a-t-elle évolué depuis les attentats contre Charlie Hebdo ? Comment avez-vous réagi à ce drame, en tant que professionnel ?

Je ne sais pas si ma réaction diffère de celle du reste de la population, d’autant que la suite a montré que les dessinateurs ne sont qu’une cible parmi d’autres. 

Bien sûr, les attentats de Charlie ont apporté un coup de projecteur spectaculaire sur le métier, mais ça n’a fait que cristalliser davantage les passions autour du dessin de presse, et passé les premiers mois de soutien massif, on constate qu’aujourd’hui le dessin de presse est presque devenu un métier polémique par essence, un boulot de « fouteur-de-merde ». On a tendance à oublier que les dessinateurs de presse ne sont « que » dessinateurs, pas politologues. 

Quelles sont selon vous les qualités essentielles à posséder pour dessiner sur l’actualité ?

Savoir dessiner et avoir un point de vue aiguisé sur l’actualité ! La qualité qui prime c’est de savoir observer les gens, d’être attentif aux mimiques. Cela permet de reproduire les expressions qui feront mouche sur un dessin. Il faut également garder à l'esprit qu'un dessin de presse n’est pas forcément drôle ou acide. De très bons dessins proposent une illustration fidèle d’un fait d’actualité.

Envisagez-vous de devenir auteur de bande-dessinée, comme l’ont fait beaucoup de grands dessinateurs de presse ?

Comme je le disais, la bande-dessinée est mon rêve de gosse. Avant de m’intéresser au dessin de presse, j’ai été fan de BD. J’ai donc en effet pas mal de projets de BD, que j’aimerais développer et éditer. Je travaille pour l'instant à l'écriture de scénarios, comme des récits illustrés sur la Guerre d'Algérie, un sujet qui a marqué mes origines familiales. À suivre...