Pour penser : éditer autrement

Publié le 13/12/2019 par Claire Loup

Les éditions jeunesse PourPenser portent particulièrement bien leur nom quand on sait que leur catalogue propose des ré-flexions philosophiques aux enfants – sous forme de livres et de jeux –, dont les axes principaux sont l’épanouissement personnel, le vivre ensemble et l’environnement. Rencontre avec leurs fondateurs inspirés, Aline et Albert de Pétigny.

Avant PourPenser, Aline était auteure et illustratrice jeunesse, et Albert avait fait partie des précurseurs de la bulle Web, qu’il imaginait alors comme le nouvel eldorado humaniste du partage en réseau et des échanges sans frontières. Quelques désillusions plus tard, en 2002, un projet commun prend forme entre le frère et la sœur, avec comme désir premier de transmettre les valeurs qui leur sont essentielles. « Trouver le média adéquat ne s’est fait que dans un second temps, explique Albert. Ça a été l’édition parce que c’était le plus simple : Aline avait la maîtrise de l’univers du livre, ça ne coûtait pas trop cher à produire et, avec Internet, j’avais appris à maîtriser les codes graphiques. Mais on aurait pu faire du spectacle vivant, ou tout autre chose… »

Du papier aux auteurs, autrement

En ce sens, il n’est pas possible de dissocier le fonctionnement logistique de PourPenser de ses choix éditoriaux. « C’est un tout, affirme Albert. L’impression des livres en France près de chez nous, le fait de travailler à domicile, l’utilisation de papiers recyclés ou labellisés, ou encore le choix des livres souples pour limiter l’utilisation de ressources comme la colle et pour permettre de vendre nos livres à des prix abordables, tout ça relève de choix éthiques qui sont en lien avec ce que l’on souhaite partager dans notre ligne éditoriale. Nous n’avions pas l’idée de porter un projet de maison d’édition, mais de porter un projet de vie tout court. »

Lorsque je demande à Aline comment tous deux choisissent leurs auteurs, je me fais gentiment voler dans les plumes : « On n’a pas d’auteurs ; ce ne sont pas nos auteurs. Personne n’appartient à personne. En revanche nous avons des auteurs qui nous confient leurs textes. D’ailleurs, je n’aime pas cette idée que l’éditeur laisse sa patte sur le travail de l’auteur, et c’est extrêmement rare que l’on intervienne sur un texte ou une illustration. Quand on va chez le boulanger, on ne l’aide pas à faire son pain. Si on l’achète, c’est qu’on l’aime bien, sinon on va chez un autre boulanger. » Voilà qui est dit.

Rendez-vous avec l’intuition

Cette façon de penser contre les normes établies est présente dès les débuts de l’aventure car, en 2002, faire le pari de proposer des contes philosophiques pour enfants n’était pas gagné – aujourd’hui, une chaire de l’Unesco est consacrée à ce domaine…

« Les gens comprenaient Philosophie, ils comprenaient Contes pour enfants, mais Contes philosophiques pour enfants, ça les dépassait… » relate Aline en riant. On était des ovnis. Clairement, on a créé PourPenser parce que je connaissais les éditeurs et que je savais que beaucoup de nos projets n’auraient pas pu voir le jour, comme Paroles de fée, une collection de neuf livres dont on a fait un coffret avec des cartes – un tarot libre. D’ailleurs, ça perturbe certaines personnes quand je leur dis : “Suivez votre intuition” concernant le choix d’un livre ou d’un jeu. Beaucoup demandent un cadre, une règle, un mode d’emploi. Mais est-ce que l’humain est fourni avec un mode d’emploi ? Non. »

La rencontre des lecteurs et la diffusion de leurs livres passent par les très nombreux salons et manifestations littéraires aux-quels Aline et Albert se rendent régulièrement. Leur présence à ces événements est facilitée par leur implication dans les associations de regroupement d’éditeurs, comme les Éditeurs écolo-compatibles et Coll.LIBRIS, qui favorisent la promotion des éditeurs de la région et les aident à bénéficier de subventions publiques initiées entre autres grâce à leur regroupement.

Pour la suite, tous deux s’imaginent bien avoir un jour dans leur catalogue quelques livres reliés à la main, les fameux « beaux livres », fabriqués localement, avec un vrai savoir-faire artisanal.

Les éditions PourPenser souhaitent bel et bien laisser une empreinte, mais positive – pas environnementale. « Ce qu’il y a de touchant, c’est qu’avec nous les gens ont à cœur, non pas de faire connaître un livre, mais notre maison d’édition. Je pense que c’est assez unique, ce truc-là, et c’est ça qui nous tient depuis dix-sept ans. »

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