Le Taslu, de la palette à la bibliothèque

Publié le 02/10/2017 par Patrice Lumeau

Une bibliothèque née d'un livre, lui-même né d'une cabane, elle-même issue de bois de palettes, telle est l'histoire du Taslu. Sur la Zad (zone à défendre) il y a des zadistes, des agriculteurs, des habitants, des fermes, une auberge et… une bibliothèque, le Taslu. 

 

S'il est un sujet de discussion politique qui attise les divergences en région Pays-de-la-Loire et bien au-delà, c'est bien celui du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de la « Zad » (la zone à défendre)... Il n'est pas du ressort, ni de la volonté de Mobilis de s'engager dans le débat « pro » ou « anti », mais quand le livre y prend sa part, qu'une bibliothèque s'y crée, il nous revient en revanche d'y jeter un oeil…

À l'origine se trouve une cabane (pour la légende, construite avec pas moins de mille palettes de récupération) offerte par un collectif de soutien aux opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. 

La cabane originelle est installée en 2013 au lieu-dit la Rolandière. Un an plus tard, un manuel est publié pour raconter sa construction : L'atelier cabane. C'est cet abri qui va devenir la bibliothèque de la Zad, le Taslu, baptisé ainsi suite à un concours de bons mots entre occupants. « Dans les régions de bocage, un talus désigne un mur construit en mottes de terre et d'herbe. Talus est une autre graphie de Talos, géant de bronze gardien de la Crète. » Voilà pour la définition fournie par le web.

Le Taslu voit le jour rapidement, en moins d'un mois. Cette naissance est due à l'heureuse rencontre entre un don anonyme de 1 000 ouvrages et le désir d'une dizaine d'occupants d'ouvrir une bibliothèque pérenne. Le 11 septembre 2016, le Taslu est là. Des livres, il y en a toujours eu sur la Zad, dans les cabanes ou dans le bibliobus ; cette fois, ils bénéficieront d'un grand espace ouvert à tous, un geste voulu comme fort à une époque où menacent les expulsions. Le livre rempart. Un lieu culturel qui fasse barrage. 

Mais rapidement la cabane bibliothèque devient exiguë et la nécessité de passer à l'étape supérieure se fait impérieuse. L'ancienne étable de la Rolandière est alors entièrement réaménagée. Au rez-de-chaussée, la salle de réunion-débat sera le passage pour accéder aux livres à l'étage, rénové dans un esprit cabane. Le lieu est chaleureux, tout en bois. Inauguré le 1er avril 2017, le nouveau Taslu jouxte le phare qui veille sur le bocage alentour de la Rolandière.

 

L'histoire du Taslu est enchevêtrée avec celle de la lutte. Le fonds, essentiellement constitué de dons, a notablement progressé en octobre 2016 lors de « la marche des bâtons », dont l'objet était aussi pour chacun de donner un livre. Le marcheur pouvait apposer sur son ouvrage une dédicace expliquant pourquoi il avait choisi d'offrir ce titre en particulier.

Parmi les 1 500 ouvrages collectés, on trouve essentiellement des romans ; quelques titres phares, des classiques de la SF comme Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et surtout 1984 de George Orwell, ont été donnés en de multiples exemplaires. On compte aussi des livres emblématiques de la lutte, comme Dégage ! on aménage de Jean de Legge, offert par un paysan militant, résistant historique. Certains éditeurs sont plébiscités, comme Verdier et Corti, ainsi que la collection Anthropocène des éditions du Seuil, les éditions Indigènes, L’Échappée, la revue Multitude… En plus des essais politiques, des histoires de luttes, le Taslu propose des romans, des pièces de théâtre et des traités pratiques. Le rayon poésie est aussi bien garni, avec René Char en bonne place. Aujourd'hui, la bibliothèque compte un fonds de 4 000 ouvrages, et autant en magasin. 

Le Talus n'est pas seulement un endroit où on emprunte des livres en échange d'un mail ou d'un numéro de téléphone, c'est un lieu de vie. On y rencontre des auteurs (récemment Alain Damasio, Barthélémy Schwartz), des éditeurs, c'est un lieu où l'on vient écouter et échanger. La salle du bas accueille régulièrement des lectures, des projections, des discussions.

Pour Camille, l'un des fondateurs du Taslu, « il s'agit d'être présent pour faire face aux expulsions tout en réinventant le rapport au monde. La Zad est un espace de création. Le Taslu a pour objectif de faire vivre un lieu de référence autour de la lutte à travers le livre. ». 

Fin septembre dernier le collectif Mauvaise troupe y a présenté son dernier livre Saisons. Nouvelles de la Zad, publié aus éditions de L'Éclat. Cet ouvrage fait un point, à travers des récits, des contes et des fictions, sur les événements relatifs à la Zad, durant la période de l'hiver 2016 au printemps 2017.

 

En pratique

Le Taslu dispose de trois permanences hebdomadaires : les mercredi, vendredi et dimanche de 15h à 19h. Contact : letaslu@riseup.net

 

La barricade des mots

Cette manifestation culturelle a réuni le monde des lettres et de la poésie avec une création, sous forme d'abécédaire, à laquelle les habitants de la Zad et des environs ont largement participé.

La lecture a débuté à Paris et s'est poursuivie dans le bus jusqu'au Talus, une lecture en continu. Cette performance avec les mots s'est déroulée du samedi 5 novembre au dimanche 6 novembre 2016. http://www.barricades-mots-zad.org/

Voir L'abécédaire sur Youtube