Strada Zambila, de Fanny Chartres

Publié le 20/03/2017 par Claire Loup
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Avec Strada Zambila, le lecteur part à la découverte de la ville de Bucarest et de son quartier Rom à travers le regard poétique d’Ilinca, élève de 6e.

La Strada Zambila est une rue de Bucarest en Roumanie. Ilinca, élève de 6e, y vit avec sa jeune sœur, la pétillante Zoé et ses deux grands-parents Bunicu et Bunica venus s’installer dans le petit appartement avec leurs huit chats. En effet, les parents des deux filles sont partis travailler en France pour quelques mois afin de pouvoir leur offrir une vie meilleure.

À travers les yeux de sa jeune narratrice, Fanny Chartres —  qui est née en 1980 à Châteaubriant et qui a travaillé en Roumanie dans le cadre de l’action culturelle auprès des services diplomatiques français — évoque avec une vérité et une simplicité déconcertante les thèmes difficiles de l’exil et du racisme universel. 


Être une enfant de “cueilleurs de fraises”, expression désignant tous les émigrés roumains, est difficile pour Ilinca qui n’a que trop conscience des moqueries véhiculées par ce statut. Ce terme rend aussi parfaitement compte du mépris auquel se retrouvent confrontés ses parents, respectivement médecin et professeure, au sein de leur pays d’accueil : “Les gens admettaient mieux que les roumains (ou Roms, puisque là-bas les gens ne font pas la différence) s’occupent de personnes âgées ou fassent des ménages. Là était leurs places, devaient-ils penser.”

À ces tristes clichés humains répondent ceux, sensibles et remplis d’émotions, pris par l’appareil photos d’Ilinca tout au long du roman. Dans un premier temps, la jeune fille photographie le vide, l’absence : “Je pars à la recherche des vestiges de notre vie de famille.” Envahies par la tristesse et la colère, ses pensées s’impriment en négatifs: au début du roman, le clair prend des teintes obscures en ces prémices d’adolescence, phénomène renforcé par l’absence et le manque de ses parents.

Mais par le biais d’un projet scolaire artistique, et grâce au binôme qu’elle va former avec Florin, son camarade de classe Rom, l’œil d’Ilinca va peu à peu changer de focale. Arpentant Bucarest dans ses recoins les plus intimes toujours armée de son appareil photos, Ilinca porte un nouveau regard sur sa ville et son histoire, notamment avec sa découverte du quartier Rom, pauvre et réputé dangereux et mal famé. Alors, le processus s’achève : le sombre devient clair, lumineux. Aux côtés de Florin, un nouvel espace s’ouvre, joyeux, coloré, apaisant. 


Avec délicatesse, l’auteure offre à son jeune lectorat quelques pistes de réflexions non négligeables : l’art et l’amour comme vecteur d’oxygène; la bienveillance comme socle pour traverser les passages difficiles mais nécessaires qui ne manquent pas de se présenter au cours d’une vie ; et bien sûr, l’humour, pour ne pas perdre pieds.

Strada Zambila, de Fanny Chartres, Éditions École des Loisirs, collection Neuf, 210 pp., 9,50€, ISBN  : 978-2-211-23117-6.