Sans Abuelo Petite, de Cécile Guivarch

Publié le 26/09/2017 par Carole Poujade
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La guerre, l’exil, des existences sacrifiées et la vie qui continue par-delà les frontières, par la force de la mémoire : un joli texte poétique, écrit tout en finesse par Cécile Guivarch, auteure franco-espagnole habitant à Nantes. Lecture de Carole Poujade.

“Un mot est coincé dans la gorge.” Serait-il si difficile à prononcer ? Ou bien est-ce cette émotion qui, tellement palpable, ne peut se dire ? “Vous ne pouviez parler qu’à demi-mots. Quelle allure ont les mots coupés en deux ?” s’interroge la petite fille entre deux tartines. Pourquoi se sent-on “mouton à trois pattes” lorsqu’un membre de votre famille vous manque, un grand-père par exemple ? Et pourquoi les autres cherchent-ils toujours un signe pour savoir d’où l’on est ? “J’ai poussé sans prendre racine”, affirme-t-elle.

Rien d’abstrait dans les guerres et les exils. Ils laissent des traces. Ils sont autant de parcours d’hommes et de femmes marqués à jamais. “Ton histoire se cramponne à mes épaules. Te tengo en mi cuerpo como un pedazo de ti”, dit-elle encore – “Je t’ai dans mon corps comme un morceau de toi”. Et pourtant malgré les guerres, les révolutions, les morts et le sang, la vie triomphe. Les enfants grandissent. Les générations se racontent.

Écrit à plusieurs voix, petits morceaux de prose disséminés au fil des pages et entrecoupés d’espaces de respiration, le texte de Cécile Guivarch fait revivre toute une histoire, celle d’un grand père parti en exil, celle d’une mère et de sa fille guidés en France par le destin. France, Espagne, ou mieux Galice, est-on d’ici, d’ailleurs, ou de nulle part lorsque ses racines sont étrangères. Les mots se mélangent. Ils viennent dans le désordre, sont de lourds apprentissages, pour gommer à tort ou à raison ses origines. Restent les échanges en famille autour du petit-déjeuner : “tartines – pain beurre et confiture – Fraise et moi petite”. Chacun s’y retrouve sans peine : les vieilles photos parlent enfin et l’imagination perd ses moyens : comment croire en effet que sa grand-mère comme sa maman ont eu ce visage d’enfant : elles ont été petites, elles aussi !

Sans Abuelo Petite, de Cécile Guivarch, Éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 71 pp., 12€, ISBN  : 978-2-930607-97-9.

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