La passagère du TER, d’Elisabeth Pasquier

Publié le 06/06/2016 par Jean-Luc Jaunet
La passagère du TER, d’Elisabeth Pasquier
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La passagère du TER d’Elisabeth Pasquier : La prose du Train Express Régional Nantes-Pornic et un savoureux texte de sociologie buissonnière.

Ce livre ne suit pas les rails littéraires habituels. Il y a bien sûr tout un train de notations qui renvoient expressément au projet de la passagère sociologue : l’étude du périurbain entre Nantes et Pornic. Mais rien de sec ou de pesant dans tout cela car ce cheminement ferroviaire entre la grande ville et l’Océan est avant tout un savoureux texte de sociologie buissonnière.

L’auteur aiguille bien notre attention vers tout ce que l’œil paresseux du voyageur lambda laisse ordinairement défiler : habitats, terrains plus ou moins vagues, aménagements, gares et leurs abords, etc., mais c’est toujours pour dire au plus près les gens qui vivent ici, leurs modes d’existence, leurs goûts et leurs envies… et beaucoup plus encore.

Les gens, ils habitent tout le livre, adroitement croqués, qu’ils soient voyageurs occasionnels, seuls ou en groupes  ; “navetteurs” aux déplacements soigneusement organisés ; riverains de la ligne, mais aussi promeneurs, habitants, commerçants des petites villes desservies par le TER, employés de la SNCF et, plus inattendus parce que souvent oubliés, nomades et Roms des campements éloignés de tout, sans-papier à l’abri précaire.

Avec les paroles, les conversations, les propos approximatifs mais aussi les silences, que la passagère du TER perçoit et recueille, quelle bande-son d’humanité ! Une humanité ordinaire, modeste, un assemblage de vies simples, dont les soucis, les joies et les peines nous renvoient à nous-mêmes. Quand l’auteur laisse plus de place à ces voix, dans de courtes nouvelles insérées entre les pages du journal, c’est tout le verbatim du quotidien qui se fait entendre.

Mais il y a aussi place pour des rêveries de passagère solitaire lorsque, dans le TER presque vide, s’offrent par la vitre de jolis étagements de lumière dans le ciel, de belles trouées de couleurs dans les champs, quand on découvre peu à peu que cette ligne ferroviaire  toujours “accompagne une ligne d’eau  : fleuve, marais, mer…  ”.

Place aussi pour quelques incursions dans la bibliothèque portative de la mémoire, avec ces titres de livres, mais aussi de films que font sans cesse affleurer les choses vues, les gens rencontrés. Belle manière de rejoindre ainsi les autres textes voyageurs, d’affirmer le lien avec tous les écrivains arpenteurs de territoires et d’écritures nouvelles. L’auteur qualifie l’un de ses premiers trajets Nantes-Pornic de “très beau petit voyage”: on pourrait vraiment en dire tout autant de la lecture de son livre.

La passagère du TER d’Elisabeth Pasquier, Éditions Joca Seria, 147 pp., 16€, ISBN 978-2-84809-260-7