Là, d'Étienne Paulin

Publié le 17/01/2020 par Claire-Neige Jaunet
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Avec , son nouveau recueil, le poète angevin Étienne Paulin s’interroge avant tout sur ce lieu du "là soudain", du "là malgré", du "c'est là que ça". . . Le lecteur reçoit les pièces d’un puzzle qu’il doit recomposer. Lecture de Claire-Neige Jaunet.

Là : quel est donc ce lieu que désigne Étienne Paulin ? S'agit-il bien d'ailleurs d'un lieu, n'est-ce pas plutôt un moment lorsque c'est l'enfance, sa "chère enfance", qui ressurgit là où le poète porte son regard ? Une enfance "retenue dans une espèce de verrière" avec quelques images : un buisson, des "dessins mal faits à la craie sur le goudron", un carrelage avec ses tommettes, une odeur, une journée particulière avec ses bruits et ses impressions...

Mais là, c'est aussi le poème qui s'écrit, qui cherche son espace et son "équilibre" dans les "mots feuilles mortes"; qui cherche "un endroit pour dire"; qui cherche l'expression juste en tâtonnant dans l'ombre d'une nuit intérieure, en tournant le dos aux "mots qui n'en sont pas", même si "écrire fait monter la mort". Mais écrire devient une nécessité, car le poème, au moins, permet de "revoir".

Là, c'est la place du poète, qui rassemble ses souvenirs, ses appréhensions, et ses désastres, tout en sachant qu'un poème, "loin de t'aider à fermer les yeux comme tu le veux", te regarde au contraire "dans le blanc des yeux". Dans l'écriture le passé ressurgit en images décousues, sans chronologie, entrecoupées de réflexions, incertaines parfois parce que les mots demeurent volontairement sibyllins, choisissent de n'apporter que "l'émotion du monde effleuré" et des "miettes de temps mort". Et apportent surtout le sentiment que quelque chose a été tu "dans le noir épais", quelque chose qui doit maintenant être dit.

Mais là, c'est probablement avant tout ce lieu "dans les champs / devant l'abribus / avec la roue en l'air / qui tourne encore", ce lieu où s'est produit l'accident... Le lieu du "là soudain", du "là malgré", du "c'est là que ça". Le lieu, le virage où "deux colibris / ont tout vu / et pépient comme si rien". Et que peut faire un poème de cette violence-là, sinon partir en quête des choses défaites, et laisser parler "les désordres", faire une place aux saisons qui emportent vers l'avenir?...

Là, le lecteur reçoit les pièces d'un puzzle qu'il doit recomposer: les lignes de jonction ne sont pas appuyées, à lui de retrouver les emboîtements et la place des éléments épars.

, d'Étienne Paulin, Gallimard, 68 p., 10,50€, ISBN 978-2-07-284822-3.

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