Demeure l’absent, de Séverine Pirovano

Publié le 08/10/2019 par Jean-François Sabourin
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Demeure l’absent, le premier livre de Séverine Pirovano, s’organise autour de la découverte de lettres parmi lesquelles résonnent des noms comme Ohrdruf, Buchenwald ou Dachau. À travers un style épuré et une écriture sensible, l’auteure nous livre un témoignage d’une intensité pénétrante. Lecture par Jean-François Sabourin.

Dans son premier roman, Demeure l’absent, Séverine Pirovano nous fait témoins, entre la mémoire et l’oubli, de ces heures sombres des camps et de ces trains filant vers l’horreur. Elle nous transporte dans le dédale de cette attente pour des réponses qui ne viendront jamais malgré la mise à nu de lettres retrouvées. 

“…On ne parle pas pour les morts. Personne ne porte la voix des morts. Le mot met de la vie dans le vide, le mot est une atteinte au silence, à l’immobilité. Parler pour les morts c’est toujours parler pour des vivants.” 

Séverine Pirovano est née en 1974. Elle vit à Nantes où elle a animé des ateliers d’écriture de 2009 à 2013 et participé en 2014 aux rencontres poétiques d’hiver à l’Université Permanente. Elle a été publiée dans la revue poétique Cabaret. Dans ce premier livre, l’auteure montre que l’existence d’une “écriture de l’absence” comme moteur narratif et formel est possible par de multiples indices jusqu’au dénouement. Elle nous interpelle dans une littérature mémorielle faite d’émotions, à la recherche de traces dans une conscience de l’impossible sans même formuler une réponse mais suggérant, plutôt qu’assénant, une vérité dans le jeu trouble de la plus fidèle des mémoires de l’oubli.  Le récit s’organise autour de la découverte de lettres parmi lesquelles résonnent des noms comme Ohrdruf, Buchenwald ou Dachau. Il retrace un parcours jonché d’espoir et d’attente meurtris par une inexorable absence. L’auteure ré-entonne cette complainte funèbre pour un certain Joseph qui n’est jamais revenu, comme le signe d’un devoir accompli, empêcher la page d’être tournée pour une grand-mère à son tour disparue. 

“Lorsque ma grand-mère relit ces lettres que tu ne liras pas, lorsqu’elle me les relit, quarante ans ont passé, soixante-dix ans ont passé, et je n’arrive pas à penser ton absence. Elles s’adressent à toi et cela suffit à te faire apparaître. On te parle. Ce n’est pas de toi que je parle, mais de ton absence. Tu n’existes pas pour moi. Et pourtant. Tu es là.” 

À travers un style épuré et une écriture sensible l’auteure nous livre un témoignage d’une intensité pénétrante où le désir de mémoire, ou même seulement l’attente de mémoire, donne au lecteur l’envie et le goût d’autres regards à propos de ce pur mystère qu’est l’idée d’absence. La prise de conscience de la possibilité de combler un espace vide que ces lettres auraient pu remplir et apporter le soulagement tant recherché guide inlassablement la plume de l’auteure dans cette quête de la vérité.

“Les morts d’aujourd’hui et les morts de demain nous regardent. Nous, avec nos gueules de vivants et ce qu’il nous reste de tendresse.” 

Demeure l’absent, de Séverine Pirovano, Éditions du Petit Pavé, 134 p., 14 €, ISBN  : 978-2-84712-596-2.

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