La déconfiture (première partie), de Pascal Rabaté

Publié le 28/11/2016 par Patrice Lumeau
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Avant la chienlit, avant la Libération, avant Radio-Londres il y a eu la déconfiture. Avec ce titre, La déconfiture (première partie), Pascal Rabaté s'attache à restituer l'absurde et le drame de cette période charnière, la débâcle de 40.

La petite histoire de cette bande dessinée, celle d'Amédée Videgrain, simple soldat pris dans le tourbillon de la grande
Ce n'est pas la France d'avant guerre ni la France sous l'occupation, c'est un entre-deux fulgurant, une période souvent survolée par les manuels d'Histoire. Le pays est en déroute, son peuple sur les routes. Le récit est habité par un sentiment d'impuissance. L’insaisissable ennemi est en train d'envahir nos campagnes à une vitesse qui surprend tout le monde, y compris l'armée française.
Videgrain cherche son régiment, les populations cherchent à échapper aux bombes, les Stukas sifflent, les vaches cherchent leur étable, tout va à vau-l'eau.

Sobriété du trait et de la composition
À propos de cette page d'Histoire, on pense à Belmondo dans Un week-end à Zuydcoote, et on occulte – un peu comme la défaite de 40 – La septième compagnie (qui a générée trois films ! que l'on peut continuer d'oublier). Désormais quand on pensera à mai-juin 40, on pensera à La déconfiture.

L'auteur, avec ce titre aux accents surannés, nous plonge directement dans cette époque floue qu'il dessine avec finesse. La débâcle, Pascal Rabaté l'attaque avec des outils graphiques qui immanquablement lorgnent du côté du septième art. L'influence du réalisateur sur le dessinateur  ?
La page est souvent découpée en trois, voire deux bandes horizontales. Plan fixe ou travelling. Nous sommes dans le format du cinéma. Et pas n'importe lequel. Le noir et blanc.
Pascal Rabaté utilise le noir et le lavis, un très beau gris, qui ne s'encombre pas de cinquante nuances. La case est propre, une composition épurée qui ravit l'œil. Le blanc trouve toute sa place sous cette lumière d'été.

L'absurde et le tragique
Le tour de force de Rabaté est de nous faire palper la réalité de cette épopée, avec des petits détails, souvent triviaux qui font mouche. L'auteur sonde l'être humain, ses faiblesses, ses hésitations comme ses convictions, et aussi, sa connerie. À coups d'anecdotes fort bien documentées, on navigue entre l'absurde et le tragique.
 
Un vieux monde est en train de glisser dans l’abîme. Amédée, tout comme l'auteur, ausculte avec son humour pince-sans-rire ces temps en train de changer. Le soldat Videgrain laisse aussi poindre son inquiétude: “Si on perd la guerre, qu'est-ce qui va se passer  ?” Et son camarade de régiment de lui répondre: “Ça changera le tour de France”.

Ça sent encore bon le congé payé tout frais, le soleil, la campagne, pourtant… dans l'air de cet été flotte un parfum fort nauséabond qui va changer le monde.

Le défaut de ce livre  ? Il se lit trop vite. On veut connaître la suite.


La déconfiture (première partie) de Pascal Rabaté, Éditions Futuropolis, 96 pages (bichromie 21,5x 29 cm), 19 €, ISBN  : 9782754816915.