Chroniques des éphémères et Les devoirs de mémoire de Madame Flore, de Jean Perrochaud

Publié le 25/05/2018 par Gérard Lambert-Ullmann
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Avec sa plume acidulée, le nazairien Jean Perrochaud nous offre Chroniques des éphémères et Les devoirs de mémoire de Madame Flore, y ajoutant les dessins puisqu’il est également, sous le nom de Sakado, excellent dessinateur humoristique. Lecture de Gérard Lambert-Ullmann.

“Il y aurait beaucoup à dire sur la nature humaine”, constate Jeanne Olympe à qui la directrice de son EHPAD nommé Les éphémères a prêté son ordinateur pour rédiger ses “Chroniques”. Et elle ne s’en prive pas, la Jeanne. Toutes les frasques de ces “anciens jeunes”, logés dans cette maison insalubre, sont passées en revue sans tendresse excessive mais avec un humour grinçant faussement involontaire qui fait de ces récits un régal. Les vies de Valentine, René, Anaïs, Hortense et Constance, Rosalie, Finette, Victoire, Margarita, Louisette, Marie Rose et Causette (Baptisée ainsi parce qu’elle est muette) sont racontées à l’emporte pièce. Les petits tracas, les manies, les bobos, les griefs réciproques, les dialogues “comme j’te l’dit”, se bousculent pour tenir la scène. Il faut dire qu’il arrive qu’on trouve le temps long aux éphémères, surtout “quand Madame Berthier, quatre-vingt-dix ans, refuse de jouer une petite mélodie au piano sous prétexte que sa mère n’est pas présente dans le salon de musique pour l’écouter”. Mais entre Finette qui mange des “berdeterres”, le père Ribaudet qui tombe de l’immeuble et s’écrase sur le chien Pistolette, Margarita la naine du cirque qui rentre presque toute entière dans la gueule du lion baptisé Kolguette parce qu’il a mauvaise haleine, et autres historiettes farfelues, on n’a pas trop le temps de s’ennuyer. Il arrive même qu’on s’émeuve, par surprise, à une évocation moins drôle de la première guerre mondiale, mais c’est vite tempéré par le constat qu’“à Jean Jaurès,  c’est pas facile de stationner”.

On se régale tout autant à la lecture des souvenirs de Madame Flore, ancienne tenancière de maison close, dont la mémoire fuit autant que la vessie, et qui s’applique donc, comme elle peut, à faire ses “devoirs de mémoire” avant qu’il soit trop tard. Là aussi, l’hilarant côtoie le dramatique avec désinvolture au rythme de chansons d’époque (“Le chien dans la vitrine”, “Un monsieur attendait”…) et de scies publicitaires inoubliables (“Martini”, “Chaussures André”). Tout ça se lit comme on vide un verre de “Troussepinette”.

Avec sa plume acidulée, le nazairien Jean Perrochaud nous offre deux petites gâteries, y ajoutant même les dessins de couverture appropriés, puisqu’il est également, sous le nom de Sakado, excellent dessinateur humoristique.

Chroniques des éphémères, de Jean Perrochaud, Edilivre, 30 p. 7 € ISBN 9782414181803
Les devoirs de mémoire de Madame Flore, Edilivre, 85 p. 10,50 €  ISBN 9782414197736