Résidents sur le seuil (4) : Mathieu Simonet en résidence à La Tangente (Nantes)

Publié le 12/10/2015 par Guénaël Boutouillet
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Quelques questions à des écrivains en résidence en Pays-de-la-Loire, automne 2015

" J’ai besoin que le temps soit rare pour écrire " (Mathieu Simonet)

La Tangente, jeune association de promotion de la littérature, invite l’écrivain Mathieu Simonet pour inaugurer un projet original, fort justement intitulé Bifurcations : il s’agira en effet pour l’auteur de se poser pour écrire, mais également de mettre en question son art et sa forme en les croisant avec d’autres démarches. Une artiste (en l’espèce, la comédienne et lectrice Sophie Merceron) lui sera associée pour travailler de concert avec lui à la création d’une forme littéraire et scénique.

Mathieu Simonet, né en 1972 et avocat depuis 1997, élabore des textes hybrides en forme d'autobiographies collectives ou, partant d'expériences intimes, pour penser des projets artistiques multiples dont la réalisation requiert la participation d'autres personnes. Il a publié quatre romans : Marc Beltra, roman autour d’une disparition (Omniscience) ; La Maternité (Seuil, 2012) ; Les Corps fermés (Emoticourt, 2012) ; Les Carnets blancs (Seuil, 2010, voir le site associé).

Le directeur artistique de l’association, Yves Arcaix, est un habitué des rendez-vous littéraires régionaux depuis quelques années : collaborateur régulier d’Ecrivains en bord de mer, des Rencontres de Fontevraud ou d’Impression d’Europe, en tant que lecteur à voix haute des textes des auteurs invités, il est au fait de la production contemporaine autant que de sa transmission aux spectateurs. Position idéale pour réfléchir à la problématique de "la pratique du comédien confrontée à une littérature a priori non dramatique, et pour laquelle il devra trouver le positionnement de son interprétation le plus en phase avec la matière textuelle."

La résidence débouchera sur une carte blanche publique, qui conviera durant trois jours, du 6 au 8 novembre, auteur, artiste associé et invités spéciaux à présenter au public plusieurs moments de rendu de cette expérience de création croisée – le programme en sera bientôt disponible.


 
Mathieu Simonet ,  Qu’attendez-vous de cette résidence ?

Mathieu Simonet : Je ne peux pas écrire chez moi. J’ai besoin de sortir. D’aller dans des cafés. D’écrire dans le métro. Dans une maison de campagne. A l’hôtel. Je ne sais pas pourquoi. Et j’ai besoin de me battre, de trouver des moments suspendus pour écrire. Une abondance de temps déchire mon écriture. J’en ai fait l’expérience en 1999 (J’avais démissionné de mon activité d’avocat, j’avais de l’argent de côté, je pouvais écrire pendant huit mois. Tous les matins, j’allais dans un café ; j’étais devant une feuille blanche). J’ai besoin que le temps soit rare pour écrire. Il ne faut pas qu’il le soit trop, mais il faut qu’il le soit un peu. Très concrètement, j’ai le sentiment que ces deux semaines passées à Nantes seront une parenthèse. Un temps volé à mon activité à Paris (où je multiplie, sans savoir toujours pourquoi, les activités : avocat, administrateur de la SGDL, membre d’une des commissions du CNC, enseignant, apprenti-réalisateur, etc.). Souvent mes projets naissent d’une poche de temps, passée ailleurs. La Maternité (Seuil, 2012) a ainsi été écrit principalement l’été 2009, au couvent de Saint-Erme, et l’été 2010… à Nantes.

Que ressentez-vous, qu’attendez-vous du lieu où vous allez résider ?

Mathieu Simonet :  Nantes est une ville qui m’inspire. L’été 2010, j’écrivais tous les matins dans le café du Cercle rouge. A l’époque, j’avais rencontré beaucoup d’artistes, beaucoup d’histoires. J’espère que la magie opérera de nouveau.

En quoi s’inscrit-il dans votre horizon d’écriture ?

Mathieu Simonet :  Mon écriture repose sur deux piliers : l’intime et les dispositifs. Je suis à une étape clef : je viens de terminer Barbe rose, un roman sur mon père sur lequel je travaille depuis 13 ans, qui sera publié au Seuil en mars 2016. C’est pour moi la fin d’un cycle familial sur lequel j’écris depuis l’adolescence. Aujourd’hui, je ressens le besoin, l’envie de recenser tous les dispositifs qui m’ont porté depuis que je suis enfant. Ceux que j’ai imaginés entre 1975 et 2015 (pendant 40 ans, soit pendant 2080 semaines). Je compte lancer ce nouveau projet à Nantes ; il a pour titre provisoire : « 2080 (dispositifs autobiographiques) ».