Résidents sur le seuil (2) : Jean-Pascal Dubost à Saint-Florent-le-Vieil

Publié le 20/09/2015 par Guénaël Boutouillet
Catégorie

Quelques questions à des écrivains en résidence en Pays-de-la-Loire, automne 2015

"Je m’y sens pareil au prédateur qui tourne autour de sa proie invisible d’écriture " (Jean-Pascal Dubost)

La Maison Julien-Gracq, à Saint-Florent-le-Vieil, accueille des résidents pour des séjours de format multiple, en partenariat avec des structures régionales ou nationales (comme avec le musée de La Roche-sur-Yon pour un collectif de photographes et d'écrivains ou avec Bienvenue dans les Mauges pour l’auteure Fabienne Swiatly, ce printemps 2015). Mais l’automne est ici la saison, depuis 2014, des résidences plus longues, dans la maison de l’auteur des Eaux étroites. Entre septembre et décembre 2015, ils seront 3 à se croiser en ces murs, Dominique Sigaud, Piet Lincken et le poète Jean-Pascal Dubost. Rencontre avec le premier des trois arrivé en ces murs, Jean-Pascal Dubost.

Jean-Pascal Dubost, ainsi que le présente le site de la Maison, est écrivain "du coté de la poésie, en vers et en prose, (qui) vit en forêt de Brocéliande." Il a publié plus de quinze livres (voir sa bibliographie complète), et fut plusieurs années durant le président de la Maison de la poésie de Nantes.

Sa résidence sera de création - dans ce lieu pensé comme de repos et de travail pour les écrivains. Elle sera ponctuée de moments de rencontres de format divers : ateliers d'écriture, lecture musicale (avec le guitariste Olivier Mellano, d'un texte autour de l'Apocalypse, qui fut pensé et élaboré durant sa résidence de 2014 à Angers), entretien croisé...

Cet événement et les autres seront annoncés et relayés sur le site de la maison. Avec lui nous pousuivons cette série, entamée avec Carole Zalberg, de mini-portraits de résidents, en amont ou à l’orée de leur temps de présence, leur demandant ce que cela apporte, change, et fait trembler en eux. Entretien :


 
Jean-Pascal Dubost,  Qu’attendez-vous de cette résidence ?

Jean-Pascal Dubost: La question est épineuse, car la réponse, problématique dans son évidence unanime quasi banale et partagée ( : du temps libéré) : ordonc, au-delà de l’évidence, sait-on vraiment quoi on attend d’un temps libéré en faveur d’une création ? Concrètement et matériellement, strico sensu, oui : un soutien financier substantiel, de n’avoir pas à accepter pendant deux mois des petits boulots pour survivre en temps de crise et pouvoir se concentrer pour lors et essentiellement sur l’écriture, de travailler comme un fou. Le reste est supposition, ainsi, sur le plan littéraire, je viens avec le désir de mettre en branle et en route un chantier d’écriture d’épigrammes fantasy, titré « Cromlec’h », dont je me suis fixé le commencement, symboliquement, précisément, en la Maison Julien Gracq, coupé des soucis de survie ; mais le pourrai-je ? Je n’attends rien de plus précis que ce qui adviendra, ces temps de résidence sont des temps que je goûte pleinement. Je préciserai que ne me sens jamais dans un ailleurs, en résidence, mais là, bien là, même si loin de mon « là » et « la » rythmique, ma parfonde forest de Brocéliande ; décentré ; et déplacé ; mais parprésent.

Que ressentez-vous, qu’attendez-vous du lieu envisagé (la maison de Julien Gracq), où vous allez résider ?

Jean-Pascal Dubost:  J’ai tourné une fois en rond, autour de la maison de Julien Gracq, que j’ai un moment mythifié, il y a fort bon temps, du vivant de Julien Gracq, n’osant toquer à sa porte, et pour lui dire quoi donc, m’arrêtant au Café de la Mairie martelé par l’antienne soûlante « j’y vais, je n’y vais pas », quand j’étudiais alors Un balcon en forêt, à l’université François Rabelais, à Tours, sous la magnifique autorité du romancier, et alors professeur, Jean-Paul Goux. Maintenant, j’y suis, fouillant dans sa bibliothèque, y quêtant l’esprit des lieux (à quoi je suis sensible), et je ressens une très puissante attraction pour la très belle Bibliothèque Remarquable et le potager en friche. J’y lirai beaucoup, je le sais, afin d’établir un lien entre mon goût pour la fantasy, le médiéval-fantastique et le gothique fantasique et certaines œuvres romanesques de Julien Gracq, sinon avec sa présence lare. Je m’y sens pareil au prédateur qui tourne autour de sa proie invisible d’écriture ; je guette le moment de fondre sur elle.

En quoi s’inscrit-il dans votre horizon d’écriture ?

Jean-Pascal Dubost:  Je ne sais que répondre, car je n’ai point d’horizon ni de plan d’écriture. Là, et en ce moment, entre la fulgurante découverte de l’Anatomie de la mélancolie de Robert Burton dans la Bibliothèque Remarquable (à lire urgemment, donc), et celle, excitante, d’un tapis de fenouil devant le Grenier à Sel, dégageant une délicieuse exhalaison, j’ai de quoi m’émerveiller et chasser. C’est cela, l’instant du lieu qui profile une promesse.