Grisbi or not grisbi* !

Publié le 14/12/2017 par Jean-Luc Jaunet
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« Les financements privés de projets culturels » ! Il y avait beaucoup d’attente, le 30 novembre dernier, autour de cette journée professionnelle à l’Ecole d’Architecture de Nantes.

Pas au point, toutefois, d’en faire un remake de La Ruée vers l’or ! Pas de Golden Gate donc à l’entrée des locaux, pas de regards enfiévrés et avides chez la grande centaine de participants ! Mais… quand même… à écouter les premiers échanges, le vif désir de trouver durant la journée quelque filon intéressant.

Pour les guider dans leur prospection, Mobilis, le Pôle régional du livre et de la lecture, et le Pôle des arts visuels des Pays de la Loire avaient choisi une intervenante en or, Anaïs Del Bono, une vraie orfèvre en la matière, au talent et aux compétences reconnus par ses derniers employeurs, des institutions aussi prestigieuses que le Musée national des arts asiatiques Guimet, ou Sciences Po Paris !

Tout à fait le genre de consultante capable, à écouter son clair et brillant exposé, de trouver une solution pour tout projet. Capable d’imaginer et négocier avantageusement, rêvons !, le lourd financement d’une formation de jeunes danseuses d’opéra, genre petits rats, par une entreprise de dératisation de locaux industriels !

En l’écoutant établir les premières distinctions entre les différents partenariats, on se dit que la langue française manque étonnamment de ressources pour valoriser ces pratiques. Avec le mot « parrain » à la place de « sponsor », voici que ressurgissent quelques images vénéneuses de films. Le mot « mécène » semble offrir d’autres garanties de respectabilité. Dès qu’on gratte le vernis romain, toutefois, Mécène, le protecteur généreux des arts, n’est plus, à en croire les historiens, qu’un être un peu veule, mou, qui prête son épouse à l’empereur Auguste et batifole avec un danseur à la mode.

Heureusement, Anaïs Del Bono enjambe allègrement ces failles sémantiques et trouve, elle, mots et images toniques pour donner envie d’emprunter les chemins privés du financement. 

Non, un projet culturel n’a rien d’un vulgaire yaourt qu’on amende sans cesse pour l’adapter aux goûts du consommateur ! Il ne faut pas en changer la nature profonde mais mieux le promouvoir.

Oui, il est important d’attirer d’abord ne serait-ce qu’un ou deux mécènes ; les autres « entreront » quand ils verront que le « restaurant » n’est pas vide. 

Non, changer les ampoules ou refaire l’électricité de son local n’a jamais constitué un projet attractif, susceptible d’électriser l’élan de possibles partenaires. 

Oui, il y a encore beaucoup de marge pour le développement du mécénat culturel, notamment dans les TPE. Pourquoi pas avec le boulanger au coin de votre rue, par exemple ! (Question de blé, peut-être ?) 

Non, en guise de contrepartie, à la poussière des logos sur les affiches quand les mécènes sont nombreux ; préférer les « merci ! merci ! » publics, de vive voix.

Attention aussi, à côté des autres mécènes possibles, à ne pas oublier les fondations ! (C’est là que j’ai compris pourquoi cette journée se déroulait à l’Ecole d’Architecture…)

Qu’Anaïs ait pu présenter, dans l’espace d’une petite matinée, de quoi alimenter mes quinze pages de notes, sans gaver son public, tient du prodige. Restait encore, après déjeuner, le travail en ateliers pour modeler, affiner, rendre opérationnels quelques projets des présents. Ils n’ont pas tous trouvé leur plein accomplissement mais, malgré la froide et pluvieuse terminaison de la journée, les derniers échanges au dehors avec les participants ont montré que beaucoup, à défaut de filon, avaient déjà trouvé quelques repères ou indices pour faire aboutir leur chasse au trésor.

 

 

* Titre du fameux roman policier d’Albert Simonin, qui devait inspirer le film Les Tontons flingueurs