L’amour, chère Madame Schubert, de Ewa Lipska

Publié le 14/12/2015 par Antoinette Bois de Chesne
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Un recueil bilingue, traduit par Isabelle Macor, Éditions Lanskine

Comme le laisse sous-entendre l’adresse du titre — L’amour, chère madame Schubert. . . —, ce recueil poétique, traduit du polonais par Isabelle Macor, dévoile une trentaine de courtes lettres dont la variété de styles et de sujets est étonnante. Cette étrange correspondance à sens unique d’Ewa Lipska tisse une relation d’amitié amoureuse et tendre avec une destinataire dont la fantaisie grave et complice apparaît, en creux, au fil des textes.

L’amour, il en est question dès le poème d’ouverture, “Le grand collisionneur de Hadrons”, où se concentre à la fois l’infiniment petit de la particule et l’immensité sans explication de l’amour :

“Vous serez sans doute une particule du nombre que je m’ajouterai. La somme n’exigera aucune explication. Elle représente à peu près ce à quoi se monte l’amour. Moins la catastrophe.”

Rappels de souvenirs communs, récits de rêve, interrogations, descriptions, le temps au fil des poèmes obéit à un rythme singulier, tendu entre l’inéluctable avancée des horloges et le ruban de Möbius : “Nous sommes pourtant déjà depuis des lustres dans une union secrète, où je vous lis des phrases des années passées”. Ou encore : “Je vous retrouverai toujours à la dernière minute, laquelle dure une éternité on le sait.”

L’univers poétique d’Ewa Lipska jongle avec l’absurde. Les raccourcis, les liens logiques, voire scientifiques s’instaurent dans une cohérence propre aux rêves. Chaque poème se tient au sein du disparate de notre monde. Un kaléidoscope étonnant où se télescopent émotions et observations distanciées, pleines d’humour et d’ironie mais bordées du sombre des gouffres de notre époque.

Ewa Lipska, L’amour, chère Madame Schubert..., recueil bilingue, traduit par Isabelle Macor, Éditions Lanskine, 2015, 63 pp., 12 €, ISBN : 979-10-90491-25-0