Bulles et Blues, de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini

Publié le 08/07/2015 par Séverine Dubertrand
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Une série qui est de celles que l’on aurait aimé avoir entre les mains vingt ans plus tôt.

“Elle est vraiment TROP BIZARRE cette fille. Chloé, toujours fourrée avec Soan. Avec ses têtes de mort rose bonbon, sa musique dark et ses tattoos, elle a l’air un peu barrée. Je ne lui ai jamais parlé.”

Eh bien moi, justement, Chloé, j’ai bien envie de la connaître davantage. Parce qu’elle me rappelle cette fille de mon collège qui avait le crâne à moitié rasé et qui avait une répartie du tonnerre. Parce que derrière les apparences rebelles se cachent le plus souvent de belles personnes. Ça, nous l’avions déjà compris en lisant le précédent opus de cette série de romans graphiques destinée aux ados, intitulée "les Graphiques" chez Gulf Stream Éditeur. Bulle et Blues, paru en janvier 2015, s’inscrit dans la lignée des deux ouvrages précédents, les excellents Rouge Tagada et Mots rumeurs, mots cutter. Tous sont le fruit de la très jolie collaboration de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini, respectivement auteure et illustratrice.

Sous des dehors de bonbons pop et acidulés, les sujets abordés sont sérieux, parfois graves. Errances amoureuses, attirances homosexuelles, persécution d’élève via les réseaux sociaux, les faits sont là. Dans Bulles et blues, on retrouve ainsi tout ce que l’on a tant aimé dans les romans précédents : des textes qui reflètent avec tendresse et douceur la fragilité d’un âge perpétuellement sur le fil, doublé d’un dessin au trait toujours juste. Tous deux portent ces douleurs sourdes sans jamais les pasticher.

Après Alex et Léa, Bulles et Blues nous donne l’occasion de découvrir Chloé à travers son journal intime. Chloé est tout en contrastes : sous ses dehors noirs, elle cache une sensibilité à fleur de peau. Chloé souffre, Chloé crie, Chloé ment, Chloé hurle, s’obstine, éclate, pleure, regrette, puis se tait. Délaissée par son demi-frère jadis fusionnel, là voilà seule face à elle-même. Et si sa place se trouvait au contraire auprès des autres ? L’enjeu de cet opus était de créer la série. Là où les deux précédents étaient totalement autonomes, celui-ci vient tisser des liens entre les personnages que nous avions découverts dans leur trajectoire de vie, oubliant presque au passage qu’ils faisaient partie d’un ensemble plus large, cette classe de quatrième D.

“D comme déconne, délire, débile, dévergondé, début, douleur, douceur aussi.” Pour se faire écho l’un l’autre, Mots rumeurs, mots cutter et Bulles et Blues prennent pour appui le même événement, traité de deux points de vue différents. Si le procédé est très bien mené, on peut cependant éprouver une grande frustration de ne pas en découvrir davantage sur les autres protagonistes, et l’on referme Bulles et Blues avec un petit goût d’inachevé. Peut-être est-ce là une pirouette des auteures pour nous maintenir dans l’attente des prochains tomes à paraître ? Quoi qu’il en soit, la série est de celles que l’on aurait aimé avoir entre les mains vingt ans plus tôt et que l’on offre avec plaisir aujourd’hui. Cette fille étrange, souriez-lui, ouvrez son journal, elle en vaut vraiment la peine.

Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini, Bulles et Blues, Gulf Stream Éditeur, 72 pp., 15 €, ISBN : 978-235488-240-2